L’édition du journal Yoor-Yoor du lundi 25 septembre 2023 résume à suffisance la désillusion et la colère de Pastef à l’encontre de la presse française et du pouvoir de Macron. A la Une, la photo de Sonko, entourée des logos des grands médias français : France 24, Tv5, Rfi, Afp, Le Monde, Jeune Afrique, Le Canard Enchaîné, Marianne,… Titre du journal : “Entre merdias, médiamensonges et médiabolisation”.
Une sortie qui fait suite à la dernière interview du président Sall sur Rfi et France 24. Les partisans de Sonko accusent Paris de vouloir aider Macky Sall à écarter leur leader de la présidentielle de février 2024. « La France veut déjà conjuguer Sonko au passé ! », s’indigne dans une contribution Ousseynou Ly, membre du Cabinet de Sonko. D’après ce communicant du Pastef, face à Macky Sall, les journalistes de Rfi et France 24 ont soit présenté la situation politique au Sénégal de façon incomplète, soit d’une manière tronquée.
Il est reproché par exemple à Christophe Boisbouvier d’avoir cité les noms des ténors de l’opposition sans mentionner celui de Sonko. Perelman, lui, aurait entretenu la confusion sur les raisons de l’arrestation et la détention de l’opposant Ousmane Sonko. « Dans cette interview, les questions abordées et leurs formulations ne sont pas le fruit du hasard », renchérit Ousseynou Ly.
Ainsi, le quotidien Yoor-Yoor, proche de Pastef, va au-delà de Rfi et France 24 pour mettre presque toute la presse française dans le même sac. D’après ce journal, ces médias font preuve d’une ‘’manipulation’’ politique des informations qui sont ‘’retransmises sans discernement’’. Le journal présente ces médias comme des supports « serviles, partiaux et soumis au pouvoir politique et à leurs propriétaires ». Bref, ils sont des instruments utilisés pour diaboliser Sonko.
La grande idylle entre Pastef et les médias français a donc duré le temps d’une rose ! Qui l’eut cru ? Pourtant l’amour semblait beau et promis à un bel avenir. Tout a commencé en juin 2023, après les manifestations qui ont suivi l’annonce du verdict sur le procès Sonko-Adji Sarr. Dans leur allégeance au régime de Macky Sall, les médias sénégalais choisissent de ne pas montrer la vérité du terrain. Les télévisions privées ont réussi la prouesse de couvrir les manifestations, sans montrer des images. Même la Rts n’aurait pas fait mieux.
Le régime de Macky Sall met en garde France 24
Quelques jours après, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux contredisent la version de la police nationale et des autorités du pays. Mais les médias nationaux n’ont rien vu. C’est donc la presse française qui fera du journalisme sur ce sujet. France 24 et TV5 ont investi le terrain et ont fait du fact-checking pour montrer que ces gens présentés comme des ‘’forces occultes’’ ont, en réalité, agi à côté des forces de défense et de sécurité. Le fameux ‘’numéro 9’’, filmé aux HLM Grand Yoff, en est un exemple patent. Cette attitude des médias français marque un tournant dans le discours des partisans de Sonko.
Jusqu’ici vouée aux gémonies, la presse française devient la nouvelle star au Pastef. Les partisans de Sonko portent au pinacle les médias de l’Hexagone tout en descendant en flamme la presse sénégalaise, ”pourrie”. Il y a d’un côté les professionnels, partisans de la vérité (médias français); de l’autre, les médiocres, les vendus, tuyaux des mensonges du régime en place (médias sénégalais).
Ousmane Sonko lui-même n’a pas eu le recul nécessaire. En un laps de temps, il multiplie les interviews avec Rfi, France 24, Tv5. On note même quelques articles assez favorables à Sonko. Et ce dernier assure n’avoir aucun problème avec la France, il demande juste le changement dans les relations avec l’ancienne puissance coloniale.
Suspension des médias russes
Au lendemain du discours du président Macky Sall dans lequel il annonce avoir renoncé à la tentative de briguer un troisième mandat, Sonko est invité par France 24 pour réagir presque à chaud et affirmer que Macky Sall a reculé face à la pression de la rue. Une occasion donc pour lui de minimiser la portée d’un discours que la majorité au pouvoir se veut historique. Pastef croyait donc disposer ainsi de relais internationaux à travers les médias français.
D’ailleurs, cette attitude de France 24 n’a pas été du goût du gouvernement sénégalais. Ainsi, à la première occasion, le régime de Macky Sall a mis en garde la chaîne. Dans un communiqué du 8 juillet 2023, suite à l’arrestation de Birame Souley Diop du Pastef, le ministre de la Communication, Moussa Bocar Thiam accuse France 24 d’avoir fait un « traitement sans éthique, sans équilibre, tendancieux et subversif de l’information sur le Sénégal… ». Sur les réseaux sociaux, des partisans du régime accusent Elimane Ndao, le correspondant de France 24 à Dakar, d’être membre du Pastef.
Mais aujourd’hui, la boule semble avoir tourné à nouveau. Ce n’est plus le pouvoir qui accuse France 24, mais bien l’opposition, Pastef particulièrement. Il est peut-être temps pour les deux parties de comprendre que les médias, c’est comme l’armée : ils mènent une guerre, celle de l’information, pour le compte de la patrie. Les médias russes ont été interdits en Europe après l’invention de l’Ukraine. Les médias français sont suspendus partout en Afrique où Paris est en conflit avec les pouvoirs en place : Mali, Burkina, Niger. A méditer pour les pastéfiens !