L’université publique sénégalaise ne parvient pas, depuis plus d’une décennie, à maîtriser son calendrier académique consistant à définir et respecter les dates d’ouverture, des examens, des vacances et de fermeture. Les raisons de cette désorganisation triste et amère pourraient essentiellement se subdiviser en deux catégories : les crises internes en lien avec les principaux acteurs du système de l’enseignement supérieur et les crises externes telles que la Covid-19 ou la récente situation politique ayant causé des dégâts au niveau des campus sociaux et pédagogiques. La chose la plus curieuse face à ce problème récurrent comportant des conséquences très néfastes surtout pour les étudiants(e)s, est notre fatalisme indifférent ou notre incapacité incompréhensible à y apporter une ou des solutions. Il n’est pas rare de voir des étudiants, sans avoir jamais redoublé, obtenir leurs diplômes de Master au bout de sept ans au lieu de cinq, ou des chevauchements d’années académiques ou encore des classes de Master qui restent jusqu’à la fin du mois de juillet censée être la date de fermeture pour les congés sans démarrer les cours.
L’objet de cette contribution n’est pas de faire un diagnostic des différents maux de l’université publique sénégalaise. Il s’agit surtout pour nous, d’analyser l’apport ou les effets ou l’impact de l’adoption de l’enseignement en ligne pour amorcer au moins une véritable solution partielle au problème du calendrier universitaire. Ainsi nous aurions besoin dans un premier temps de passer au peigne fin les différentes initiatives prises au sein de nos universités. C’est notre façon de poser le débat qui sera ouvert et même contradictoire que nous espérons fertile pour un mieux-être à l’université. Nous mettons également à la disposition des lecteurs et acteurs un ensemble de propositions dont la plupart sont tirées de nos travaux de recherche sur la thématique de l’enseignement en ligne.
Plateformes FAD.
Les universités publiques sénégalaises disposent toutes de plateformes d’enseignement en ligne. Pendant la période d’arrêt des cours en présentiel, les approches de continuité pédagogique étaient différentes d’une université à l’autre. Dans certaines universités, la combinaison des apprentissages en mode synchrone et asynchrone était préconisée tandis que le second était privilégié pour d’autres institutions. Restons dans le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), la plus grande de toutes, avec des réalités également plus diverses et plus complexes. Le conseil académique de l’UCAD qui s’est réuni le 12 juin 2023, après les actes de saccages et de destructions perpétrés à l’université, a pris la décision de la reprise de activités pédagogiques sous format d’enseignement à distance et faire plus tard une remédiation en présentiel avant les évaluations des apprenants. Les plateformes de Formation à Distance (FAD) sont opérationnelles au niveau des établissements de l’UCAD. Elles disposent pratiquement de toutes les fonctionnalités de base de Moodle qui est une plateforme d’apprentissage de référence. Les plateformes FAD de l’UCAD ont été des infrastructures de dépôt ou de stockage de contenus pédagogiques que les étudiants devaient télécharger. Les enseignants déposaient leurs contenus, chacun à sa manière, et souvent en un seul fichier PDF ou PowerPoint. Dans ce cas, quelle est la différence pour l’étudiant d’aller se connecter sur Internet et y trouver des cours bien faits et très bien structurés ? Pouvait-on faire mieux ou tout simplement peut-on faire mieux ? Evidemment oui ! Il n’est pas tard car nous serons de plus en plus souvent dans la nécessité de faire des enseignements en ligne. Nous espérons que l’Institut Formation à Distance (ISFAD) qui vient d’être mis en place, apportera des réponses convenables. En attendant, nous faisons les propositions suivantes.
• Une meilleure sensibilisation et la formation du Personnel enseignant et des étudiants sont plus que nécessaires. Il faudra faire découvrir à ces acteurs toutes les possibilités offertes par les plateformes FAD, du dépôt d’un fichier à l’intégration de vidéo par exemple, les outils à intégrer tout en insistant sur les spécificités.
• La mise en place d’une ingénierie pédagogique au sein des départements permet une véritable adhésion des enseignants qui non seulement sont impliqués en amont mais pourront structurer qualitativement les contenus des apprentissages.
• Une incitation des étudiants à utiliser les plateformes FAD où ils trouveront des cours bien scénarisés.
• La mise en place d’une documentation (texte, audio, ou vidéo) destinée aux enseignants et qui porte sur les principales tâches relatives à l’utilisation des plateformes FAD et des fonctionnalités s’y rattachant.
• La mise en place d’une documentation dédiée aux apprenants pour une meilleure utilisation des plateformes.
Il faut compléter les plateformes FAD par les aspects synchrones et interactifs pour arriver à une véritable formation en ligne. La technologie permet d’avoir des classes virtuelles qui se rapprochent de façon quasi-parfaite des conditions d’enseignement en présentiel avec un partage en temps réel de l’audio, de la vidéo, des diapositives, du tableau blanc, du chat, de l’écran. Cela est possible même dans des environnements où la connexion internet est limitée.
Une plateforme d’enseignement en ligne offrant toutes les fonctionnalités est accessible pour nos universités avec des acteurs bien sensibilisés et formés, pour l’intérêt de la communauté universitaire surtout en des périodes de trouble.
SOCIETE Enseignement en ligne : vraie ou fausse alternative face aux crises dans nos universités (Par Gervais Mendy et Samuel Ouya)